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Christoblog

Les salauds

http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/078/21007806_20130523112205469.jpg

Au dernier festival de Cannes, les personnalités présentes dans la salle lors de la projection du dernier film de Claire Denis (Leo Carax, Catherine Deneuve, Béatrice Dalle, Jane Campion) montraient bien l’estime de la profession pour cette réalisatrice.

Les salauds, adapté de façon très lointaine du Sanctuaire de Faulkner, s’annonçait sulfureux, mettant en scène un Vincent Lindon plus lindonien que jamais, essayant de percer à jour un terrible secret, gardé collectivement par toute une famille.

Au cœur de ce secret, et ce n’est pas spoiler de le dire car les premières images du film sont explicites, des abus sexuels pratiqués collectivement sur une jeune fille. On voit assez bien le but recherché par Claire Denis : faire un film d’une noirceur absolue, un labyrinthe étouffant dans lequel s’égare un héros a priori intègre , une œuvre dans laquelle le mal rôde, omniprésent.

Le résultat ne pas convaincu : d’une part le mal ne parvient pas à être si terrifiant que ça, et d’autre part la façon dont le film sème un peu confusément des fausses pistes m’a profondément gêné (les sauts temporels, l’homme des premières scènes, le vélo du garçonnet dans la forêt, le dernier plan). Les liaisons avec la situation économique actuelle sont un peu trop appuyées (le méchant est évidemment un monstre capitaliste), et certaines scènes manquent à l’évidence de réalisme (l’accident) alors que l’ensemble adopte plutôt une tonalité dans un registre connecté au réel.

Le film ressemble à un brouillon, comme si Claire Denis avait voulu filmer quelques idées brillantes sans avoir véritablement la volonté d’en faire un film complètement maîtrisé. A noter toutefois que l’ambiance musicale, animée entre autre par Tindersticks, collaborateurs habituels de la réalisatrice, est excellente.

Imparfait.

 

2e

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People mountain people sea

http://fr.web.img3.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/95/65/98/20461161.jpg Sort le 19 juin 2013 un film chinois réalisé en 2009 et que j'ai vu au Festival des 3 continents 2011, ce qui illustre les bizarreries de la distribution en France de certains films "exotiques".

D'abord un mot sur le titre : People mountain, people sea est un proverbe chinois qui signifierait qu'il "y a tant de personnes en Chine". Le rapport avec le contenu du film n'est pas limpide : on pourra supposer qu'il est simplement relié au fait que l'odyssée de l'homme qu'on suit durant 91 minutes est un road trip à travers tout le pays. Le film de Shangjun Cai n'est pas une franche partie de rigolade.

Son héros mutique commet des actes dont on ne comprend pas vraiment le sens, avant de finir dans une mine de charbon au Nord de la Chine. Le film se conclut par une explosion due je suppose au grisou, qui donne lieu à de très belles images.

Le tout est désespéré, noir, et franchement déprimant. Très bien filmé, le film de Shangjun Cai mérite peut-être pour sa belle mise en scène le Lion d'argent en 2011 à Venise, sûrement pas pour son pouvoir de distraction. Sans dénier ses qualités esthétique, osons dire qu'on s'y ennuie ferme. People mountain, people sea souffrira de plus obligatoirement de la comparaison avec A touch of sin, film chinois comparable de Jia Zangke, encore plus beau, plus ample et doté d'un scénario bien plus captivant (Prix du scénario à Cannes 2013). Dans les deux cas, c'est un tableau de la Chine contemporaine bien noir qui est dressé.

 

2e

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Grigris

Grigris commence comme un amer tableau de la misère sociale africaine. D'un côté un jeune homme handicapé qui ne trouve pas de travail, et danse le soir dans les boites de nuit une curieuse danse spectaculaire et syncopée. De l'autre, une prostituée qui se vend aux touristes français.

Les ingrédients sont donc en place pour que le film tourne à la tragédie la plus noire, d'autant qu'une embrouille liée au marché noir précipite le jeune danseur entre les griffes de criminels.

L'intrigue, comme d'habitude chez Mahamat Saleh Haroun, met du temps à s'installer, puis gagne progressivement en épaisseur. Plus qu'aux caractères, le réalisateur s'intéresse ici aux corps : celui, déformé, de l'acteur Souleymane Démé, qui s'emplit de grâce quand il danse, et celui de la jeune prostituée, le mannequin Anaïs Monory, magnifique. Au final ces deux corps se vendent, mais le laid s'élève alors que le beau s'abaisse.

Le pire est probable, et pourtant ne se réalise pas. Les deux personnages tombent amoureux, et la fin du film relève presque du conte, tellement elle est enjouée et positive. C'est le contraste entre la densité de noirceur initiale et la vision finalement optimiste qui a troublé je pense le public de Cannes, peu habitué à ce que les films de la sélection officielle ne se terminent pas de la pire des façons.

J'ai trouvé pour ma part le film remarquablement mis en scène, et dégageant d'intenses moments de poésie, comme cette scène absolument magique lors de laquelle Souleymane Mémé danse sur le toit. Mahamat Saleh Haroun parvient comme dans ses films précédents à imposer son regard, d'une attention et d'une bienveillance extrême. On pourra peut-être regretter cette fois-ci que les acteurs ne soient pas tous parfaitement à la hauteur de leur réalisateur. Le scénario aurait peut-être pu être également un peu plus travaillé.

Grigris met en évidence la puissance de l'amour, la détermination d'un individu et la force du collectif (dans sa partie finale) : ça fait du bien !

 

3e

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Hijacking

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/97/21/66/20521404.jpgSi vous aimez la série danoise Borgen, un des intérêts de Hijacking est de vous replonger dans son ambiance : le scénariste et trois des acteurs majeurs de la série sont impliqués dans le film.

L’intrigue est simple. Un bateau est détourné au large de l’Afrique par des pirates somaliens, et les négociations durent très, très, très longtemps (4 mois).

Si l’ambiance globale du film est réussie, opposant judicieusement les décors froids et aseptisés de Copenhague à la moiteur régnant sur le cargo, l’intrigue souffre d’une certaine anémie. L’aspect négociation est réduit à des traits très sommaires (quelques montants de rançon écrits sur un tableau blanc) et les aspects psychologiques sont dessinés à coup de serpe. Le personnage central du négociateur, manager froid au gros égo qui pète exceptionnellement les plombs, ne m’a pas convaincu. Je trouve que Tobias Lindholm abuse des plans fixes sur ce personnage silencieux, procédé qui prétend habituellement donner à voir des gouffres intérieurs, et qui est ici juste ennuyeux.

Le film manque de profondeur, de contextualisation (il y aurait sûrement beaucoup plus à dire d’un point de vue géo-politique ou même psychologique sur ce type d’évènements) et de rythme. En choisissant un registre proche de l’épure le film court le risque de ne pas capter l’attention du spectateur sur la durée, et c’est ce qui m’est arrivé

Le Danemark sur Christoblog : The killing / Borgen / Royal affair / La chasse / Le guerrier silencieux

 

2e

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World war Z

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/087/21008783_20130528113635491.jpgAnnoncé comme l’un des blockbusters les plus réussis de l’été, World war Z s’avère être un divertissement tout juste acceptable.

La première partie du film est plaisante : la réalisation de Marc Forster est vive et l’impression d’immersion assez réussie. Le générique de début, à base d’extraits de journaux télévisés, donne un ton anxiogène au récit, qui se maintient pratiquement jusqu’au bout du film. Brad Pitt joue sobrement un agent fédéral qui a décroché des opérations de terrain mais doit y replonger, pour que sa famille soit protégée des zombies.

Ces derniers sont convaincants. Leur vitesse « de reproduction » est supersonique (il faut 11 secondes pour faire d’un vivant infecté un zombie) et cette contamination express donne des scènes absolument prenantes. Le film évite avec goût les effets résolument gore, pour se concentrer sur les tensions psychologiques et le suspense. Le passage en Israël est proprement stupéfiant, convoquant au passage une série de références historiques troublantes.

L’intrigue est suffisamment maline pour que notre intelligence ne se sente pas vraiment insultée… jusqu’à la dernière partie du film. Alors que World war Z avait jusqu’alors évité les écueils classiques de ce genre de film (sensiblerie, invraisemblance manifeste), il multiplie les erreurs lors de la séquence se déroulant dans un centre de recherche gallois. Au programme des bêtises : un message d’amour à sa famille griffonné sur un carton et placé devant une caméra de surveillance, une injection réalisée en dépit du bon sens (il pourrait demander conseil à l’interphone !) et un placement de produit en faveur de Pepsi absolument scandaleux.

Vous ne vendrez pas votre âme de cinéphile en allant voir World war Z, mais pour prendre du plaisir à la vision du film vous devez apprécier un minimum nos amis les morts-vivants.

Zombies sur Christoblog : Shaun of the dead / The walking dead

 

2e

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Ini Avan, celui qui revient

La situation du réalisateur Sri Lankais Asoka Handagama est paticulière à plus d'un titre.

Il a d'abord un « vrai travail » : il est directeur de la communication dans la plus grande banque de son pays.

Ensuite il tourne ses films en été, pendant ses vacances. Et enfin, c'est une vraie célébrité dans son pays, ayant déjà suscité de belles polémiques par le passé. Aussi, quand est sorti Ini Avan, traitant du difficile retour d'un combatant tamoul dans son village à la fin de la guerre civile, le débat a enflammé Sri Lanka, où les blessures de cette longue, longue guerre ne sont évidemment pas cicatrisées.

Ini avan a été présenté à la sélection aCid du festival de Cannes 2012 et j'ai eu le plaisir de le voir au Festival International de La Roche sur Yon en octobre 2012.

Il faut absolument dire pour commencer que Ini avan est une splendeur visuelle. Le film baigne dans une photographie admirable, les visages des acteurs et actrices sont magnifiés par des éclairages somptueux. Les cadres d'Handagama composent autant de tableaux d'une perfection quasi-surnaturelle.

Cette ambiance délicate et visuellement très réussie permet d'accepter les lenteurs d'une intrigue qui se développe lentement et bifurque en cours de film vers un sujet absolument non prévu au départ. Alors qu'il commence par traiter de la réacclimatation à la vie civile de celui qui fut un enfant-soldat, le film glisse progressivement vers une chronique sociale puis criminelle. C'est très étonnant et stimulant.

Si ces circonvolutions scénaristiques peuvent égarer un peu le spectateur inattentif, le jeu de l'acteur principal, extrêment physique, recentre toujours le film autour d'un axe qui le traverse de part en part : la violence sourde qui émane forcément de ces ex-combattants (et bien que celui qui nous est montré ici soit d'une douceur extrême).

Une découverte.

 

2e

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Le congrès

Le nouveau film d'Ari Folman vaut d'abord par l'interprétation magistrale de Robin Wright.

Le congrès se décompose en deux parties. La première, en prises de vue réelles, nous décrit comment une actrice de second plan, ayant fait beaucoup de mauvais choix dans sa carrière, se voit proposer de devenir "numérisée". Elle doit accepter de se faire modéliser, puis abandonner tout droit sur l'exploitation qui sera faite de son image.

Cette première partie est captivante. Il y règne une atmosphère à la limite du fantastique, grâce notamment au décor stupéfiant de l'entrepôt dans lequel vit l'héroïne et ses enfants. Robin Wright y joue en quelque sorte son propre rôle (en tant qu'ex-actrice de Santa Barbara et de Princess Bride), et elle est bouleversante. Les seconds rôles sont assez caricaturaux, mais plaisants.

Une fois la numérisation effectuée, le film se projette dans l'avenir, et commence la partie d'animation, qui m'a pour tout dire hérissé. Je n'aime pas le style cartoon du dessin, qui d'ailleurs n'est pas celui des photos circulant sur Internet, ce qui surprend beaucoup et d'une certaine façon constitue une sorte de tromperie. L'intrigue est extrêmement complexe : il s'agit de vie dans un monde virtuel, et de céder maintenant plus que son apparence : son essence. Pas évident de raccorder ce qu'on voit à la réalité, et d'ailleurs, quand le film s'y risque à la toute fin, le résultat n'est pas probant.

Le congrès est un film ambitieux construit sur des thématiques quasi-philosophiques (comme celle du choix, omniprésente), mais qui n'évite pas les naïvetés et la sensiblerie (l'histoire du fils), et parfois le mauvais goût. Le scénario est stimulant intellectuellement (on songe entre autres à Philip K. Dick, à Matrix et à David Lynch), mais par trop foisonnant. Le film fourmille d'idées de toute sorte, ce qui le rend intéressant, mais laisse l'impression finale de ne pas avoir été maîtrisé de bout en bout.

Une expérience à tenter pour les plus curieux.

 

2e

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Frances Ha

http://fr.web.img4.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/144/21014455_20130621152807984.jpgPrésenté à Berlin dans la section Panorama et à Totonto en compétition, Frances Ha arrive en France précédé d'une flatteuse réputation, matérialisée par exemple par les soutiens de Télérama et de France Inter.

J'attendais donc beaucoup de ce film, d'autant plus que j'ai aimé le précédent film de Noah Baumbach : Greenberg. D'ailleurs, pour ceux qui ont vu ce film on pourrait dire que Frances est la version énergique et féminine d'une dépression dont Greenberg serait la face mélancolique et masculine.

A 27 ans, Frances voudrait être une adulte mais n'y parvient pas. Dès les premières minutes du film elle se fait larguer par son mec, suite à une jolie scène où elle refuse maladroitement une proposition d'emménagement ensemble. C'est que Frances a une amie, Sophie, personnage de fille intellectuelle et binoclarde typiquement allenienne, qui est véritablement sa raison de vivre, son alter ego : « Nous sommes comme deux lesbiennes qui ne baisent plus ensemble » dit Frances. Mais Sophie va partir habiter Tokyo avec son mec, un goujat qui prend plaisir à éjaculer sur le visage de Sophie, comme on l'apprend incidemment. Professionnellement, notre héroïne ne réussit pas à intégrer la compagnie de danse qui l'intéresse. Je vous le disais : Frances, c'est le ratage total du passage à l'âge adulte.

Greta Gerwig compose une gourde que plusieurs critiques qualiferont sans nul doute d'épatante, d'attendrissante ou de désopilante, tellement sa prestation se prête à se type de qualificatifs. Pour ma part j'ai trouvé qu'elle forçait trop le trait "gourdasse undatable".

Globalement le film lorgne excessivement du côté des clichés et des références. Il y a fort à parier que tous les papiers sur le film évoquent Woody Allen, tant l'ombre du film Manhattan plane au-dessus de Frances Ha (le noir et blanc, le personnage de blonde physique, l'importance de la musique, les rues de New-York). Mais on y entend aussi un extrait des 400 coups, Frances rate un rendez-vous à Paris où elle pourrait dîner avec un sosie de Jean-Pierre Léaud, etc. Et le film subit également l'influence évidente de séries girly. Frances Ha, sous cette accumulation d'allusions, finit par ressembler à un empilage de sucreries.

Pas désagréable à regarder, le film n'arrive jamais à être vraiment drôle (je n'ai pas ri une fois) ni triste (pas beaucoup d'émotion possible au vu des simagrées de Greta Gerwig et de l'aspect caricatural des autres personnages). Il manque au film un souffle de légéreté, une inspiration qui le démarquerait de ce qu'on peut appeler le mainstream du film US indé.

Anecdotique, à l'image du plan final, qui révèle pourquoi le film s'appelle Frances Ha.

 

2e

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