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Christoblog

Tempête de sable

On a l'impression, en regardant Tempête de sable, de se voir proposer pour la millième fois le tableau consternant de la condition de la femme dans une société profondément machiste, ici une tribu bédouine du sud d'Israël.

Le film d'Elite Zexer commence par nous montrer combien la polygamie institutionnalisée peut être cruelle. En donnant au début du film un visage plutôt sympathique au père (en réalité, et comme on le verra, un salaud), et un côté antipathique à la mère (la victime), la réalisatrice réussit un premier pas de côté assez intéressant.

La suite du film captive par les aspects retords de son scénario. L'humiliation des femmes va aller crescendo (répudiation, mariage forcé, abandon de l'émancipation), jusqu'à un point culminant assez gonflé : la résignation par amour. Je n'en dis pas plus.

Tempête de sable est intéressant, et très bien réalisé. La caméra d'Elite Zexer est sensible, délicate, et l'alternance des rythmes et des cadrages donne au film une tension qui capte l'attention du début à la fin. La photo est très réussie également.

A voir.

 

3e

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La la land

La la land est traversé par la même énergie foutraque et euphorisante que le précédent film de Damien Chazelle, Whiplash.

Foutraque, parce que le film ne ressemble à rien, et donne l'impression de chercher sa voie tout du long. 

La première scène est à ce titre exemplaire. Elle semble rendre hommage à la comédie musicale américaine classique, mais apparaît finalement comme un exercice de virtuosité pure. On pourrait penser qu'elle donne le ton du film, mais en réalité, pas du tout, puisque les passages chantés s'espaceront progressivement et ressembleront plus à du Demy qu'à du Stanley Donen.

Parfois aux confins du mauvais goût sucré (la scène du planétarium), souvent d'une justesse de ton ahurissante qui pourrait rappeler Cassavetes (la magnifique scène pivot de la dispute durant le repas), perpétuellement en mouvement et inventif, La la land séduit à la fois par la richesse de ces procédés et la profondeur de son approche.

Euphorisant, parce que le film semble porter en lui l'espoir fou que le cinéma peut tout. La foi que Chazelle semble insuffler à son film emporte toutes nos réticences. Son histoire fonctionne parfaitement et les petites imperfections du film apparaissent presque attendrissantes : Ryan Gosling et Emma Stone ne chantent pas merveilleusement bien, mais leur voix n'en est que plus attachante.

La dernière partie du film, par sa dignité et son originalité, finit par emporter la mise. On est conquis, émus, et passablement scotchés par le tour de passe-passe de Chazelle : montrer la naissance de l'amour dans un frou-frou de couleur primaires, en donnant l'impression d'être le premier à le faire.

La trame de La la land parait à première vue assez simple, voire simpliste (exactement comme celle de Whiplash d'ailleurs). Mais une fois l'euphorie de la vision passé, il faut bien reconnaître que le film est bien plus que ce qu'il paraît être : portrait grandeur nature d'une ville, réflexion sur la fidélité à ses ambitions, éloge de la légèreté, analyse psychologique des rapports de couple, déclaration d'amour au jazz, manifeste pour un cinéma décomplexé, et au final esquisse glaçante des occasions ratées.  

Un beau grand film.

Damien Chazelle sur Christoblog : Whiplash - 2013 (****)


4e

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La communauté

L'avant-dernier film de Thomas Vinterberg (La chasse) m'ayant profondément déplu, c'est un peu inquiet que je suis allé voir La communauté.

Le début du film est plutôt rassurant. En nous faisant immédiatement ressentir la folle ambiance des années 70 (la création d'une communauté d'individus qui partagent et définissent leur règles en commun), le cinéaste danois retrouve une partie de la maestria qu'il déployait dans Festen.

La caméra caresse, enveloppe et martyrise à la fois. La mise en scène est urgente, brûlante et semble vouloir capter les moindres frémissements des personnages. Bientôt cependant, l'attachant portrait de la communauté devient un mélodrame conjugal, au sujet mille fois vu : un homme mûr quitte sa femme pour une jolie et jeune étudiante. 

Si la deuxième partie de La communauté se laisse regarder, la tension baisse tout à coup, et on ne saisit pas très bien comment les deux aspects du film s'enrichissent l'un l'autre : la communauté n'interagit pas vraiment avec le couple principal. Le scénario introduit artificiellement un évènement dramatique en fin de film, ce qui ne parvient pas vraiment à dynamiser le récit.

Reste tout de même à porter au crédit du film, outre l'aspect prenant de la mise en scène, l'incroyable interprétation de l'actrice Trine Dyrholm, qui obtint à Berlin un prix d'interprétation féminine bien mérité.

Thomas Vinterberg sur Christoblog : La chasse - 2012 (*)

 

2e

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Concours DVD et Br Comancheria (Terminé)

A l'occasion de la sortie en DVD du film Comancheria, je vous propose de gagner 2 DVD et 1 Blu-ray.

Pour ce faire :

- répondez à la question suivante : "Dans quel état des Etats-Unis a eu lieu le tournage du film ?"

- joignez votre adresse postale

- précisez si vous souhaitez 1 DVD ou 1 Blu-ray

- envoyez moi le tout par ici

avant le 25 janvier 20 h.

Un tirage au sort départagera les gagnants.

Vous recevrez ensuite le DVD ou le Br, envoyé directement par le distributeur.

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The witch

Amusant de constater le grand écart des notes sur Allociné concernant ce premier film : 4 pour les critiques presse et 2,2 pour les spectateurs.

On comprend bien, après avoir vu The witch, ce qui peut expliquer cela. Le film de Robert Eggers est un film d'épouvante sans épouvante, un film d'horreur sans effets spéciaux.

Difficile de ne pas apprécier la rigueur de la mise en scène, la beauté des images (très froides ou très chaudes, mais toujours magnifiquement photographiées) et le grand intérêt que suscite le tableau historique très documenté que constitue ce portrait d'une famille dévote du XVIIème siècle.

A vrai dire, l'intérêt du film est très probablement dans cet aspect terrifiant d'une religion chrétienne qui pousse à bout la pratique collective et familiale de l'auto-dépréciation systématique. On se dit d'ailleurs que le réalisateur en rajoute, jusqu'à ce qu'un carton final nous apprenne que les dialogues eux-mêmes sont tirés pour la plupart de sources historiques documentées (procès...). 

Que le diable s'invite gentiment dans cet enfer que constitue la pratique religieuse en elle-même est presque superfétatoire. Eggers propose alors une seconde partie de film qui ne reprend aucun des codes des films d'horreurs : pas de sang, pas d'effet de surprise (ou presque), pas de vision horrifique (ou presque). Tous les évènements anormaux sont simplement suggérés, ou en tout cas largement euphémisés. On comprendra qu'à ce stade l'amateur de Freddy soit déçu. 

A conseiller à celui qui aurait voulu voir Tarkovski essayer de tourner son Exorciste.

 

2e

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The fits

Premier film prometteur d'Anna Rose Holmer, remarqué dans de multiples festivals, The fits est une sorte d'exercice de style.

Peu de narration et quasiment pas de dialogue, mais un portrait sensible du personnage extraordinaire qu'incarne la petite Royalty Hightower. 

Le film vaut donc avant tout pour la beauté de ses cadrages, la subtilité de sa mise en scène, l'élégance de ses mouvements de caméra. Le voyage de la salle de boxe à celle de danse représente bien des choses pour le personnage principal : l'acceptation de sa féminité (et peut-être simplement de son corps), et le passage d'un stade d'enfant à celui d'adolescent.

La réalisatrice montre ce voyage intérieur avec une sensibilité et une maîtrise impressionnante qui peuvent rappeler les débuts tonitruants d'une Andrea Arnold, ou plus récemment la poésie de Chloé Zhao dans Les chansons que mes frères m'ont apprises

Une cinéaste dont il faut suivre attentivement la carrière, au-delà ce quasi moyen-métrage réussi (le film dure 1h12).

 

2e

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Un jour mon prince

Un film peut être à la fois sympathique et complètement raté : Un jour mon prince en est un superbe exemple.

L'idée n'est pas très originale : deux fées sexy, québécoises, et très naïves, doivent trouver un Prince Charmant à Paris pour sauver un monde imaginaire.

Tout de suite, on imagine assez bien toute la série de quiproquos gentiment décalés qui peuvent découler de cette situation. 

Si le film n'est pas indigne, il est toutefois beaucoup trop sage pour véritablement intéresser. Il lui manque du brio, de la rapidité, de l'originalité, et un peu de mauvais goût. Evidemment, le Prince Charmant ne se trouve pas dans le métro ou dans les palaces, mais sur le palier d'à-côté. Et oui, suite à un suspense difficilement entretenu par de lourdes péripéties, le monde imaginaire sera sauvé.

C'est assez pauvrement réalisé, et interprété de façon inégale par un casting disparate.

Vous pouvez donc éviter sans scrupule.

 

1e

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The last face

Oui, The last face est bien le pire film que j'ai vu dans mon existence de cinéphile.

Certains films sont mauvais, d'autres ratés, ou énervants parce que prétentieux. The last face est tout cela à la fois, et bien plus encore : il est haïssable.

Je ne sais pas trop par où commencer tellement le film multiplie les ignominies, alors je vais commencer par le début. 

Le carton introductif du film donne le ton (je cite de mémoire) : "pour un occidental, le meilleur moyen de suspendre les guerres est d'envisager l'impossible amour". OK, les habitants d'Alep apprécieront : quand Bardem batifole avec Charlize Theron, les horreurs sont moins horribles. Dégueulasse.

La façon esthétisante qu'à Sean Penn de filmer les ravages de la guerre en Afrique est à vomir : c'est non seulement une insulte au continent noir, mais aussi à l'intelligence du spectateur. Respecter la souffrance des peuples impliquerait de poser sa caméra et de regarder, plutôt que de se regarder (le nombril) comme le fait ce film immonde.

Un des sommets du ridicule est atteint quand sont envoyés dans les airs des dizaines de cylindres d'air chaud : on dirait une animation de GO du club Med dans un camp de réfugiés, c'est scandaleux.

L'histoire d'amour est plaquée, mal jouée, dans un style basé sur les ralentis et les clins d'oeil extatiques qui ressemblent à du Malick de pub pour shampoing. Mais le pire du pire est peut-être l'ahurissante médiocrité des seconds rôles : Adèle Exarchopoulos est nulle, et Jean Reno s'offre deux répliques ridicules dont le public se gausse immanquablement.

Je crois que c'est la première fois de ma vie que j'ai eu l'irrésistible envie de siffler le film pendant sa projection.

On devrait rembourser les spectateurs qui ont vu The last face, et leur verser une prime pour préjudice d'anxiété : le film est à la fois une insulte au bon goût et à la morale.

 

1e

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Harmonium

Incroyablement complexe et subtil, Harmonium marque l'avènement d'un grand cinéaste, Koji Fukada. 

J'ai découvert Fukada il y a dix ans, au Festival des 3 continents de Nantes, pour un de ses premiers films, qui s'appelait Hospitalité, et qui racontait l'irruption d'un intrus dans une famille tranquille, sous la forme d'une comédie. Le film n'a jamais été distribué en France à ma connaissance.

Dix ans après, Fukada écrit et réalise un film qui rappelle l'argument d'Hospitalité : un homme s'introduit dans le quotidien d'une famille. Il sort de prison et connaît visiblement le (taciturne) chef de famille. Le ton, cette fois-ci, n'a rien de drôle, et vire progressivement à la tragédie.

Sans dévoiler une once de l'intrigue (ce serait tellement dommage), on peut dire que le film va nous emmener lentement, mais sûrement, vers des abysses de l'âme humaine. Sous leurs dehors hyper-policés (et très japonais), les personnages couvent de réelles horreurs : violences, frustrations, désirs, culpabilité. Les sentiments ne s'expriment pas vraiment dans Harmonium, mais se matérialisent sous forme d'actions extrêmes.

Le film ne serait que frappant sans la mise en scène d'une délicatesse extrême de Fukada. Son sens maladif du détail (le supplice d'entendre le bruit du coupe-ongle dans une des scènes-clés du film), sa direction d'acteurs fascinante, sa capacité à capter les moments où une vie bascule (l'incroyable séquence de la rivière), son aptitude à nous égarer dans nos propres sentiments : tout cela fait d'Harmonium un film hors norme, une sorte de monstre vénéneux et méticuleux, dont personne ne sortira indemne.

 

4e

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Le ruisseau, le pré vert et le doux visage

Quel plaisir de voir ce type de film : libéré, intelligent, léger et brutal à la fois !

On est bien sûr loin des canons occidentaux, mais pour le spectateur qui aime être emporté dans une ambiance à la Naguib Mahfouz, le plaisir est intégral.

Le film mélange une candeur pagnolesque (personnages fort en gueule, femmes promptes à attiser le désir des hommes avec quelques mouvements de danse du ventre) à une rouerie plus shakespearienne (on meurt par overdose de viagra).

Les ruptures de tons sont fabuleusement provocantes (on tue par émasculation, mais on sait aussi construire une comédie romantique parfaitement nunuche) et la mise en scène de Nasrallah vibre à l'unisson : puissante, enivrante et parfois complètement barrée, à l'image du concert principal, digne de Bollywood, on se souviendra longtemps de la prestation de Kiki...

J'aime beaucoup l'énergie sauvage qui irrigue le film.

Yousry Nasrallah sur Christoblog : Femmes du Caire - 2010 (****)

 

3e

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Nocturnal animals

J'avais beaucoup reproché à Tom Ford dans son précédent film  (A single man), de privilégier la forme au fond.

Dans Nocturnal animals, il me semble que c'est bien l'inverse qui se passe : il utilise sa brillante façon de filmer pour rendre passionnant un scénario intelligemment construit.

Pour résumer succinctement (et sans spoiler), le principe du film est de rendre intéressante une vie somme toute quelconque en l'entremêlant avec le récit d'une fiction (terrifiante) écrite par un des personnages : c'est un procédé qui me semble assez original, et qui place le film quelque part entre Hitchcock et Almodovar.

Au service de l'exercice, de style Tom Ford parvient à mettre : une direction d'acteur irréprochable (excellente prestation de Michael Shannon par exemple), une photographie admirable et un sens du montage redoutablement efficace (par exemple dans la scène nocturne des voitures, un vrai morceau de bravoure).

Du coup, le film est passionnant à regarder, nous entraînant dans un labyrinthe dont on ne distingue pas facilement l'issue. Le contraste entre les couleurs chaudes du Texas fantasmé et les couleurs froides de la métropole est un ravissement visuel.

Je ne comprends pas trop la frilosité de la critique à l'encontre du film. Son seul point faible  se situant peut-être dans la grossièreté de certaines coutures dans le montage alterné fiction / réalité, et dans la répétitivité des séquences "Amy Adams émerge de sa lecture en jetant ses lunettes de surprise".  

Pour ma part, je le recommande aux amateurs de films étranges et romanesques.

Tom Ford sur Christoblog : A single man - 2009 (*)

 

3e

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Top 10 2016

Et voici mes dix films préférés de 2016 ! 

Accès direct à la critique correspondante en cliquant sur le nom du film.

Bonne année à tous.

 

Chers lecteurs et chères lectrices voici votre classement. Franchement, vous avez bon goût, puisque nous avons cinq films en commun et que les autres sont des films que j'ai aimé aussi (à l'exception de Midnight special). Les critiques des films qui ne sont pas dans mon top 10 sont accessibles en cliquant sur le titre. 

1 - Elle
2 - Toni Erdmann
4 - Julieta et Mademoiselle
7 - Premier contact et Manchester by the sea
 

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Hedi, un vent de liberté

Hedi est avant tout le portrait sensible d'un jeune homme sous influence : pas vraiment libéré du chaperonnage maternel, on trouve à Hedi une femme (assez mignonne d'ailleurs), un boulot, un appartement.

Le film se construit sur le contraste entre cette castration mortifère et l'illumination soudaine que va représenter une rencontre inespérée avec une jeune femme libérée. 

D'un point de vue narratif, le film est au début un peu lourd. Il prend vraiment son temps pour montrer la monotonie de la vie du personnage principal. Le moins que l'on puisse dire, c'est que qu'on ressent profondément l'ennui du représentant de commerce errant de zone commerciale en garage improbable. 

Et puis, la rencontre dynamise le fil du récit, provoquant des ellipses audacieuses, dont on ne sait pas trop si elles illustrent une démission scénaristique ou la libération finalement plus facile que prévu d'Hedi. Ces rires, cette communication, ce sexe improvisé, font en tout cas l'effet d'une fontaine de fraîcheur dans la vie d'Hedi - et dans le film.

Le fin, franchement cut, est surprenante, mais l'ensemble du film est maîtrisé et esthétiquement cohérent. A noter que l'acteur, Majd Mastoura, a reçu l'Ours d'argent à Berlin pour sa prestation.

Une ode à la libération (plus encore qu'à la liberté) intéressante, à défaut d'être bouleversante.

 

2e

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Your name

Un truc incroyable avec les anime japonais, c'est leur capacité à brouiller les frontières entre bon et mauvais goût.

Parce que, franchement, après le générique d'introduction de Your name, il y aurait toutes les raisons de fuir à grands pas la salle de cinéma, ne serait-ce qu'à cause de l'affreuse musique pop japonaise qui l'enrobe.

Et puis le film commence, et comme souvent on est capté par l'incroyable capacité des auteurs à alterner les différences de tons (comédie romantique, chronique juvénile, tableau de la ruralité, énigme conceptuelle) tout en maintenant en éveil la curiosité du spectateur. 

L'intrigue se complexifie progressivement avec un degré de raffinement qui pourra laisser le spectateur lambda perplexe, et qui en tout cas est bien loin des standards occidentaux. Le prodige de ce type de film, c'est que le dédale conceptuel qu'il génère ne nuit pas à l'intensité des émotions décrites, qui varient elles-mêmes de qualité et de tons : nostalgie triste, espoir éperdu, amour sincère.

On est comme figé sous un déluge d'imagination débordante, de sensibilité un peu primaire, de nostalgie proustienne et d'esthétisme pop. C'est déroutant, enivrant et fugitivement magnifique.

 

3e

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Neruda

Projet d'une ambition folle, mêlant un propos politique d'une précision extrême (déroutant pour le néophyte) et une maestria en terme de réalisation qui laisse pantois, Neruda pourra abandonner sur le bord de la route plus d'un spectateur. 

Il faut en effet s'accrocher pour ne pas se perdre dans le découpage tarabiscoté du film, qu'on l'envisage dans sa totalité (le film n'est qu'une immense rêverie lacunaire qui met en scène une création de Neruda) ou à l'intérieur de chaque séquence (la même conversation peut être poursuivies par les personnages dans des lieux différents).

Le résultat est une marqueterie délicate et éthérée, aux aspects tantôt fantomatiques (les flous, les surexpositions), tantôt rutilants (les travelings circulaires, les couleurs chaudes, les décors dans la maison).

C'est presque miraculeux que de ce fatras grouillant et brillant ressorte une image nette de Neruda, assez iconoclaste : cynique, dur avec les femmes, distant.

La toute fin du film, avec son onirisme plutôt "bon marché", gâche un peu à mon sens l'esthétique spectaculairement réussie que le film affichait jusque là.

Pablo Larrain sur Christoblog : No - 2012 (***) / El club - 2015 (****) 

 

3e

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Fais de beaux rêves

Beau film ample, complexe, et aux multiples thématiques que ce Bellocchio.

Fais de beaux rêves est un véritable travail d'orfèvre, construit sur un scénario ciselé et servi par une interprétation pleine de finesse.

Comme le personnage principal, on sait sans savoir, et le film enchaîne les belles liaisons mystérieuses : statues militaires, bustes de Napoléon, chute libre, se laisser tomber dans le canapé. Chaque période renvoie à un traumatisme de l'enfance, parfois de façon évidente, parfois moins. C'est beau, subtil et on est émerveillé par la manière de filmer de Bellochio.

Il ne manque pas grand-chose pour que le film nous emporte vraiment dans son élan romanesque : peut-être un tout petit peu plus de concision, ou une insistance un peu moindre sur certains passages.

Au final, Fais de beaux rêves emporte la mise par sa capacité à faire ressentir le passage du temps.

Sur le fond il impose cette vérité : quels dégâts produit le fait de ne pas dire la vérité aux enfants ! Du grand Bellocchio, au service d'une merveilleuse évocation de l'enfance.

 

3e

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Diamond island

Cela fait très longtemps qu'un film ne m'a autant enthousiasmé visuellement.

Le travail sur les couleurs est par exemple d'une beauté irréelle : d'abord beaucoup de bleus, puis des contrastes éblouissants. Les lumières dans la nuit sont entourées d'un halo annulaire qui les rend presque surnaturelles. Des bonbons acidulés qui flottent dans les ténèbres. Magique.

La composition des plans est également superbe : visions d'architectures quelconques en construction, travellings cotonneux, contre-plongées osées, alternance de plans fixes et d'élégants mouvements de caméra.

La banale histoire d'amour et de déracinement que conte le film n'a finalement que peu d'importance, tant Diamond island transforme sa matière en vision presque mythologique : les adolescents immatures évoluent dans une sorte d'ambiance aqueuse avec la grâce de demi-dieux. 

C'est formellement époustouflant.


4e

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3000 nuits

Rares sont les films en provenance de Palestine. Il faut d'autant plus prêter attention à 3000 nuits, de la réalisatrice Mai Masri. 

Nous sommes dans les années 80, dans une prison isarélienne. Layal, une jeune femme palestienne se fait incarcérer pour 8 ans, suite à un attentat qu'elle n'a pas commis. Elle est enceinte et décide de garder l'enfant.

Le film décrit la lente évolution du personnage, ses dilemmes moraux (collaborer pour garder son enfant en prison ?) et les tensions entre prisonnières politiques palestiniennes et prisonnières de droit commun israéliennes. 

Le film vaut principalement par sa description du milieu carcéral israélien et des modalités de résistance mises en place par les prisonnières palestiniennes. Il faut avoir en tête que 700 000 Palestiniens sont passé par les geôles israéliennes, soit une personne sur trois. La prison, c'est donc le quotidien.

L'actrice Maisa Abd Elhadi prête ses traits lumineux au beau personnage de Layal : on a hâte de la revoir en mars prochain dans Personal affairs, de Maha Haj, qui était présenté en 2016 à Cannes (Un certain regard).

Le gros défaut du film, c'est de négliger parfois un peu maladroitement la profondeur narrative au profit d'un aspect trop clairement militant. La mise en scène est parfois lourde même si le montage est efficace. 

La Palestine sur Christoblog c'est aussi : Amerrika (**) et Omar (***)

 

2e

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Le disciple

Petite sensation du dernier festival de Cannes, ce premier film du russe Kirill Serebrennikov est une curiosité un peu piquante.

Le film est adapté d'une pièce de Marius von Marienbourg, que j'ai vu l'année dernière à Tourcoing. Bien que l'époque et le contexte aient été changé, Le disciple reste fidèle à sa source : il s'agit de montrer un jeune chrétien qui se radicalise à partir d'une lecture littérale de la Bible. On voit bien sûr le rapport à l'actualité récente.

Le réalisateur utilise un procédé qui surprend, mais auquel on s'habitue progressivement : les sources bibliques des citations apparaissent en incrustation sur l'écran. Cette lancinante énumération qui parfois tient lieu de dialogue, prouve qu'on peut faire dire n'importe quoi à n'importe quel texte, en sortant des éléments soigneusement choisis de leur contexte.

L'intérêt du scénario réside dans la façon dont les institutions russes donnent du crédit à ces élucubrations contre l'avis d'une jeune prof qui tente (maladroitement) de faire valoir la valeur du raisonnement scientifique.

Tout cela se finira mal, évidemment, du fait notamment du substrat de refoulement (homo ?) sexuel qui explique d'une façon peut-être un peu trop évidente l'attitude du jeune homme.

La mise en scène est superbe, à base de plans-séquences de toute beauté. A voir si vous avez le temps. 

 

2e

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