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Christoblog

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How to have sex

Il y a dans ce premier film une concision, une puissance et une maîtrise qui forcent le respect.

Son intrigue est pourtant minimaliste : trois jeunes filles anglaises se rendent dans un club en Crète dans le but de faire la fête (en réalité, boire assez d'alcool pour vomir) et si possible perdre leur virginité. 

C'est sur le papier peu de chose, mais la réalisatrice Molly Manning Walker parvient à transformer ces quelques jours en une Odyssée qui va entraîner l'héroïne principale, Tara, formidablement interprétée par Mia McKenna-Bruce, dans des contrées mentales très contrastées.

La folle excitation, le plaisir de l'amitié, les rencontres d'humains malfaisants ou bienfaisants, de semi-divinités, la tristesse, la mélancolie, le dégoût de soi, la peur de l'avenir, les regrets : toutes ces étapes vont être émotionnellement parcourues par Tara, dans une succession de décors moches et magnifiquement filmés qui donnent au film une coloration presque mythologique.

Les boîtes de nuit, la plage, la rue jonchée de détritus (vision d'apocalypse), la villa-paradis, les mini-chambres dans lesquels on grapille quelques minutes de sommeil, les rues désertes, les poubelles derrière lesquelles on se soulage : ce sont les stations du chemin de croix de Tara, qui la conduisent de l'enfance à l'âge adulte.

J'ai rarement vu dans un premier film une mise en scène aussi parfaite (la référence qui me vient instinctivement est le premier film de Soderbergh, Sexe, mensonges et video), épousant aussi parfaitement les contours de la géographie mentale de ses personnages, tout en étant au plus proche des corps dans une sorte de proximité permanente, souvent admirable, parfois claustrophique.

Il faut enfin signaler l'extrême délicatesse avec laquelle le film traite son sujet de la première relation sexuelle, à la fois terrible et élusive, profondément émouvante.

C'est un coup de maître.

 

4e

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Ali & Ava

Pas si courant de voir un tableau des classes défavorisées anglaises sous forme de feel-good movie ! On est ici bien loin des films de Ken Loach. 

Porté par deux interprètes formidables, Ali & Ava confirme le talent incroyable de Clio Barnard, qui parvient à faire émerger d'intenses émotions d'un background terriblement réaliste.

Le film évite tous les clichés misérabilistes pour tisser une fine trame narrative dans laquelle peut éclore la bulle de sensibilité qui entoure les deux personnages principaux. La réalisatrice réussit formidablement à dessiner une ambiance en quelques plans : feux d'artifice, plan sur la ville, pluie sur un vélum, intérieur confiné. Les larmes viennent souvent aux yeux, sans qu'à aucun moment la sensiblerie ne pointe le bout de son nez.

J'ai beaucoup apprécié la façon dont le personnage d'Ali évolue au fil du film : d'abord très drôle, voire burlesque, puis de plus en plus intérieur au fur et à mesure que ses sentiments évoluent, comme la musique qu'il écoute passe progressivement du rap au folk.

L'amour épaissit et assombrit ces deux-là, en même temps qu'il les remplit. C'est très beau.

Clio Barnard sur Christoblog : Le géant égoïste - 2013 (****)

 

4e

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After love

Le charme d'After love est un charme diffus, tout entier contenu dans l'art de la litote.

Le sujet du film est à la fois simple et vertigineux : une anglaise qui s'est mariée à un musulman (et s'est convertie à l'islam) découvre après la mort de son mari que ce dernier menait une double vie avec une Française, de l'autre côté du Channel. 

Le sujet est vaudevillesque, le traitement d'une délicatesse délectable. J'ai été complètement séduit par le jeu de l'actrice Joanna Scanlan, qui nous fait nous demander en permanence quel sera le contenu de la prochaine scène. Tour à tour intriguée, triste, égarée, surprise, heureuse, elle campe un formidable personnage en quête d'identité.

La mise en scène d'Aleem Khan est solide, poétique, attentive aux détails. Les différents lieux sont saisis avec beaucoup de justesse et il y a tout au long du film une grande attention portée à tous les éléments qui le compose (y compris la musique, très belle) : c'est souvent le cas des premiers films.

Je prédis une belle carrière au jeune réalisateur anglais qui signe ici un film à la fois doux et puissant.

 

3e

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Pour Sama

Il y a dans les images tournées par la jeune journaliste syrienne Waad al-Kateab une injonction paradoxale : contempler la guerre dans ce qu'elle a de plus horrible, à travers les yeux les plus bienveillants et optimistes qui soient.

Le film manipule ces deux éléments alternativement pour mieux nous prendre en étau émotionnellement. Les blessés sont horribles à regarder, mais le dévouement des médecins est exemplaire. Le deuil des enfants est d'une tristesse infinie, mais les liens d'amitiés qu'on peut tisser dans ces moments sont les plus intenses. La mère accouche par césarienne dans des conditions effroyables, mais le bébé survit (une scène à proprement parler sidérante). La ville assiégée est réduite en ruine et constitue l'endroit le plus dangereux au monde, mais nos héros y retourne avec leur petite fille, en souriant. 

A travers cette dialectique constante, servie par un montage exemplaire, le film fait passer son message avec force et efficacité : l'espoir peut soulever des montagnes. Si les images sont (forcément) de qualité très inégale, la construction dramatique du documentaire est véritablement exemplaire, et fait de Pour Sama un sommet de l'année cinéma 2019.

 

4e

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1917

Tout est joli et bien filmé dans 1917.

Les tranchées semblent être repeintes d'hier, les rats sont bien peignés, les cadavres eux-mêmes veillent à ne pas être trop purulents.

La caméra virevolte autour des personnages avec beaucoup d'élégance, la palette chromatique de la photographie est très jolie, et les acteurs sont parfaits.

Le film se laisse donc regarder, un peu comme si on suivait une visite guidée du terrain de guerre avec un guide sympathique, une sorte de Tranchées Tour pour Américains.

La perfection artistique du film se déploie au détriment de l'émotion (personnellement je n'en ai jamais ressenti) et du sentiment d'immersion. Sur ce dernier point, la première scène de Il faut sauver le soldat Ryan était autrement plus réaliste et frappante. 

Pour tout dire, Sam Mendes se regarde filmer et le spectateur le ressent trop, à mon sens. L'illustration ultime de ce triste constat, c'est la volonté un peu infantile de vouloir réaliser le film en un seul (faux) plan-séquence : une coquetterie qui complique le tournage sans apporter au film un surcroît d'âme.

Décevant, 1917 ne rend pas compte de l'horreur de la Grande Guerre, mais peut se voir comme une sorte de jeu vidéo (et hop je saute au-dessus du puits de mine, et vlan l'avion s'encastre parfaitement dans la grange, et youpi je saute dans la rivière) particulièrement bien réalisé techniquement.

Sam Mendes sur Christoblog : Les noces rebelles - 2008 (*)  / Skyfall - 2012 (**) / 007 Spectre - 2015 (*)

 

2e

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Sorry we missed you

Comment, à partir d'un script qui paraît quasiment téléguidé, Ken Loach et son scénariste fétiche, Paul Laverty, parviennent-ils à nous émouvoir à ce point ?

D'abord, parce que le scénario est assez fin : les coups durs attendus n'arrivent pas forcément aux moments prévisibles, ni pour les raisons prévues. Ensuite parce que la mise en scène est au cordeau : près des acteurs (tous parfaits, quel casting exceptionnel !), déliée et en même temps très ramassée.

Si le film se résumait à une charge contre l'ubérisation de notre société, il serait intéressant. En peignant avec un ton d'une justesse impitoyable la façon dont ce fait de société bouleverse une cellule familiale donnée, Sorry we missed you devient plus qu'un pamphlet : le tableau poignant et très féministe de la charge mentale qui repose sur les femmes.

La dignité extraordinaire qui pare le film, et lui confère sa grandeur d'âme, n'exclut pas de savoureux clins d'oeil, dont l'exemple le plus parfait est sans nul doute la discussion entre supporters de foot.

Un petit chef d'oeuvre, comme le duo Loach / Laverty nous en donne parfois.

 

4e

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Rocketman

Je connais très mal la musique d'Elton John, qui pour faire simple n'était pas assez "rock" pour intéresser mes oreilles de jeune vosgien dans les années 90 (plutôt attirées par AC/DC, U2, The Cure, The Clash, Queen, et Springsteen).

La vision de Rocketman m'a donc en premier lieu procuré un plaisir simple : découvrir de belles chansons (et comprendre leur propos grâce aux sous-titres) tout en faisant connaissance avec une personnalité attachante et exceptionnelle à bien des égards.

Le film rappelle bien sûr Bohemian Rhapsody : le réalisateur Dexter Fletcher a fini le film sur Queen commencé par Bryan Singer (viré en cours de tournage), le schéma du film (rise and fall) est exactement le même, et les destinées des deux personnages principaux sont similaires (ils sont gays, se font manipuler par leur entourage, sombrent dans les addictions, détruisent leur santé).

Rocketman est cependant pour moi bien plus réussi que son prédécesseur. Il semble d'abord prendre moins de libertés avec la réalité. Il choisit en plus dès le début un style, un angle, qui faisaient défaut à Bohemian Rhapsody.

Par exemple, le fait d'illustrer les chansons par des moments de comédies musicales (très réussies au demeurant) donne à toute la première partie du film une coloration vraiment fun. Ce parti-pris évolue progressivement vers des passages oniriques beaucoup plus sombres, mais toujours dans le même esprit d'illustrer la réalité (la piscine par exemple).

La prestation de l'acteur Taron Egerton est remarquable. Il porte son personnage à bout de bras, au moins autant que le fait Remi Malek dans Bohemian.

Une sucrerie à ne pas dédaigner.

 

3e

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McQueen

Les bons documentaires, quand ils sont inspirés et objectifs comme celui-ci, ont le pouvoir de générer une qualité d'émotion qui est différente de celle que l'on éprouve en regardant une fiction. 

Si vous ne connaissez rien à Alexander McQueen (ou plus généralement à la mode, comme moi), alors ce film est fait pour vous. 

D'une façon très pédagogique, les réalisateurs Ian Bonhôte et Peter Ettedgui nous font découvrir la carrière, la vie et la mort d'Alexander McQueen, en illustrant chacun des six chapitres du film par une collection spécifique. Cette progression chronologique a un double mérite : elle permet de suivre l'évolution de l'adolescent maladroit au créateur reconnu tout en expliquant l'évolution de sa personnalité jusqu'au drame final, et d'autre part il fait toucher du doigt le génie créateur de McQueen à travers ses défilés. 

J'ai été absolument bluffé par l'ampleur et la profondeur du talent développé par le jeune anglais : les présentations de ses collections étaient conçus comme des spectacles totaux au service d'un thème, et les images de défilés comme Voss ou Plato's Atlantis hanteront probablement longtemps la mémoire des spectateurs.

On est émus aux larmes à de nombreuses reprises dans le film, que ce soit par la beauté irréelle des créations ou par les évènements tragiques qui relèvent de la vie privée de McQueen. Nombre de témoignages sont absolument bouleversant.

Un film passionnant.

 

3e

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How to talk to girls at parties

Il est bien rare qu'un film apporte en même temps des plaisirs esthétiques, intellectuels et émotionnels, tout en restant léger et digeste.

C'est pourtant l'exploit que réussit le dernier film de John Cameron Mitchell, qui commence comme un tableau speed de la jeunesse punk des années 80 façon Dany Boyle, avant de se transformer en un délire psychédélique coloré et sucré.

Mitchell parvient avec une grâce incroyable à varier les tons, les rythmes et les ambiances avec un égal talent. Sous son apparente légèreté, How to talk to girls at parties aborde finalement avec un angle nouveau un sujet profond et universel : qu'est-ce que l'amour ? Le film est une sorte de comédie romantique acidulée, qui parvient à éviter la mièvrerie et tous les chausse-trappes inhérents au genre. Ce prodige est dû en particulier à la prestation mutine de Elle Fanning, qui s'affirme ici comme une vraie, grande actrice. Elle semble guidée dans cette émancipation par Nicole Kidman, méconnaissable en Cruella rock'n roll.

Le film n'est pas seulement beau et drôle, il est aussi piquant : pratiques sexuelles (ô combien) hors normes, punchlines décapantes, moqueries diverses. On sourit, on réfléchit, on est intrigués et émus. De la belle ouvrage.

 

4e 

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The young lady

Pas facile d'entrer dans ce film, qui semble de prime abord se situer quelque part entre Lady Chatterley (sans la poésie sensuelle) et Madame Bovary (sans la profondeur psychologique).

Pour tout dire, The young lady est écrit avec des moufles et filmé avec une truelle. Les effets y sont tristement surlignés (les cadres symétriques, le montage cut) et les sentiments évacués au profit d'une sorte de litanie humiliante, qui fait ressembler le film à une mécanique largement manipulatrice. A force d'acculer le spectateur dans ces retranchements (c'est une des premières fois de ma vie que je souhaitais des ellipses tout en regardant le film) The young lady finit tout de même par intriguer lors des trois dernières minutes. Dommage qu'il y en ait eu quatre-vingt six avant.

L'actrice principale joue comme un pied, la photographie est un gloubi-boulga qui mixe le pire de l'effet Vermeer et du "regarde comme je filme bien la lande brumeuse". Après, vous avez le droit d'y aller quand même : il y a au moins un truc sympa dans le film, c'est que les acteurs/trices sont sympas à regarder quand ils sont à poil.

 

1e

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Sing street

Sing street utilise avec brio toutes les ficelles du feel good movie nostalgique.

Le film cumule ainsi la trame toujours efficace de la constitution d'un groupe de rock à celle plus classique de l'histoire d'amour a priori impossible, le tout baignant dans une bande-son des années 80 qui sent bon la naphtaline. 

Tout cela serait assez anecdotique si le film ne portait pas à haut degré d'efficacité toutes ses composantes : le rythme est échevelé, le casting impeccable, les reconstitutions de clips et de modes vestimentaires parfaitement délicieuses et les compositions originales diablement entraînantes. 

Bref, on passe finalement un très bon moment, même si Sing street ne brille ni par son originalité, ni par sa profondeur. Ceux qui avaient 15 ans dans les années 80 apprécieront tout particulièrement.

 

2e

 

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Moi, Daniel Blake

Disons le tout de suite : le fait que Moi, Daniel Blake ait obtenu la Palme d'Or va fausser la plupart des appréciations le concernant.

La question traditionnelle de l'apprenti critique ("Que vaut le film ?") se transformera bien souvent en "Mérite-t-il la Palme d'Or ?", avec au passage un très probable coup de rabot sur ses qualités intrinsèques.

Ceci étant dit, je vais essayer de ne pas tomber dans ce travers.

D'abord, première évidence difficilement contestable, les deux acteurs principaux sont exceptionnels. Dave Johns compose un personnage qu'on n'oubliera pas de sitôt, une sorte d'incarnation de la dignité terrienne et bienveillante. Hayley Quires est une belle découverte, dans un rôle qui la voit s'exposer dans une composition difficile, mélange de fragilité et de ténacité. La scène du magasin alimentaire est à ce titre un des plus beaux moments de cinéma de l'année.

Deuxième point, le film aborde frontalement un sujet que je n'avais pas encore jamais vu traité au cinéma : la difficulté, devenue radicale, de vivre aujourd'hui dans notre société sans avoir la pratique de l'informatique en général et d'internet en particulier. Ken Loach ne se contente pas ici de creuser confortablement le sillon qui est le sien depuis le début de sa carrière (la misère sociale), il peint un monde dans lequel tout le monde (ou presque) est sympa, et qui pourtant se révèle être un enfer. Par là-même, Moi, Daniel Blake réussit un tour de force étonnant : nous montrer la méchanceté de notre société sans nous désigner les méchants. Il peut de ce fait avoir par moment des aspects de film d'anticipation, de dystopie.

La mise en scène de Ken Loach est d'une rigueur exemplaire. Le scénario de son complice de toujours, Paul Laverty est très très bon au début du film (quelle idée géniale que la conversation téléphonique initiale, qui finalement s'avère être le coeur palpitant du film), avant de fournir dans la deuxième partie quelques traits trop appuyés à mon goût. Ce n'est pas très grave au regard du poids émotionnel que charrie le film.

Moi, Daniel Blake est finalement un beau portrait, qui s'affranchit de son terreau social par la grâce de ses interprètes. A voir.

 

3e

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Dough

Je me demande comment un obscur vétéran de la télévision anglaise âgé de 72 ans, John Goldschmidt, peut se retrouver au commande de ce film improbable, qui parvient à se frayer un chemin vers les écrans français.

Dans ces temps de défiance généralisée entre religions, on peut se dire que l'amitié entre un jeune black musulman et un vieux blanc juif cumule tous les poncifs aptes à séduire un public peu regardant en matière d'exigence cinématographique, pourvu que les bons sentiments soient au rendez-vous.

C'est en partie vrai (le film n'évite pas complètement l'angélisme naïf qui suinte de son pitch), mais d'un autre point de vue, il faut bien reconnaître qu'on ne s'ennuie pas devant Dough, qu'on y rit franchement et que le scénario y est fort bien troussé.

Le film ne mériterait cependant pas d'être encouragé sans l'incroyable prestation de l'insubmersible Jonathan Pryce. Le jeune acteur Malachi Kirby apporte quant à lui une fraîcheur bienvenue à ce moment de cinéma, qui sans être génial, est bien agréable.

L'occasion de se faire plaisir, tout en étant parfaitement politiquement correct. Une occasion rare.

 

 2e

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Catch me daddy

Dans la veine réaliste anglaise, si féconde, il manquait un chaînon violent et noir, quelque chose qui soit plus brutal et désespéré que tout le reste. Catch me daddy, de Daniel Wolfe, est un prétendant idéal pour ce rôle.

Au début du film, on ne comprend pas trop ce qu'on voit : des hommes de main qui filent dans des directions qui nous échappent. Le scénario s'amuse à nous jouer des tours : naïveté des deux tourtereaux, suspense gentillet autour de la caravane, éclairs de violence insoutenables. C'est très déstabilisant.

Le film est sec, frigorifiant, parfaitement maîtrisé. En prenant le parti de montrer les relations ethniques (pakis contre anglais pure souche) à travers le prisme d'un thriller hyper-violent, Wolfe réussit un coup de maître, à la fois sur la forme (quelle belle utilisation des gros plans) que sur le fond (la violence renvoie les deux parties dos à dos).

La fin est glaçante, et frustrante pour certains, je peux le comprendre. Elle m'a ravi. 

Coup de poing au plexus mental.

 

3e

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Pulp, a film about life, death and supermarkets

Pulp est un groupe de rock des années 90, mais vous n'avez pas besoin d'être fan pour apprécier cet excellent documentaire de Florian Habicht.

D'abord parce que la star du film est avant tout la ville de Sheffield, cité industrieuse du nord de l'Angleterre, d'où est originaire le groupe. Le film montre superbement la ville à l'occasion du dernier concert du groupe en 2011 : son aspect quelconque, ses kiosques à journaux, ses friches industrielles, ses terrains de foot. 

Il montre aussi ses habitants, qui connaissent presque tous le groupe, quelque soit leur âge, leur sexe ou leur origine. Leur propos sont souvent délicieux, et on oubliera pas de sitôt le jeune aux cheveux teints, la chorale locale (irrésistible Help the aged) et les deux enfants assénant un message définitif à tous les parents de la planète.

Tous ces gens sont attachants et leur admiration raisonnée pour l'intelligence de Jarvis Cocker emporte l'adhésion.

Loué par des amis aussi sensibles, le chanteur de Pulp, à la fois dandy charismatique et grande asperge dégingandée, paraît irrésistible et foutrement intelligent. Drôle, inspiré, complètement possédé sur scène, il emporte le coeur du public dans un concert renversant.

Une magnifique découverte, qui n'a pratiquement pas été distribuée en France, comme malheureusement beaucoup d'excellents documentaires.

 

3e

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Kingsman

En matière de divertissement pur, difficile d'imaginer plus jouissif et plus décontracté que ce premier Kingsman.

Le film ressemble à ces vieux James Bond dans lesquels ce dernier était vraiment anglais, et ne s'était pas encore nolanisé.

Prenez d'abord un scénario malin (et à tiroir) : comment devient-on agent secret ?

Ajoutez des acteurs au top de leur caricature : un Colin Firth plus précieux que jamais, un Samuel L. Jackson zozotant et dégingandé, des seconds rôles parfaits. Tout cela dans un bain d'élégance british.

Secouez au shaker d'une idée ou allusion par minute (le JB de James Bond, Jason Bourne, Jack Bauer par exemple). Fignolez le tout en ajoutant une bande-son entraînante, des décors parfaits et des scènes cultes (l'église !!), des rebondissements incessants : vous obtenez un pur plaisir de spectateur. 

Enfin, le voici le film dans lequel : le héros peut mourir au débotté après avoir trucidé gratuitement plusieurs dizaines d'innocents, un autre héros peut recouvrer un surcroit d'énergie à la perspective de sodomiser une princesse scandinave, des méchants voient leur chef exploser en feu d'artifice, on boit un cognac napoléonnien en l'honneur d'un mort.

Un festival d'intelligence créatrice comme je n'en n'avais pas vu depuis longtemps !

 

3e

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Queen and country

En 1987, John Boorman réalisait Hope and glory, film sur l'enfance en temps de guerre, en grande partie autobiographique. L'année dernière à Cannes, il présentait en quelque sorte sa suite : Queen and country, chronique du passage à l'âge adulte sur fond de guerre de Corée.

J'ai été parfois décontenancé par les ruptures de ton incroyables qui émaillent le fim : on passe sans transition de la bleuette un peu nunuche à la comédie loufoque, avant de basculer dans le drame. Queen and country est un objet très attachant, complètement atypique, chronique cruelle d'une Angleterre désuette et buddy movie amusant.

Tout le début du film amène à sourire de façon quasi-continue tant les situations cocasses et les punchlines s'accumulent, mais une ombre commence à recouvrir le personnage principal vers son milieu, et cette ombre (mélancolie, tristesse et nostalgie) ne cesse de grandir jusqu'à la fin. 

Le dernier plan s'arrête sur une caméra ... qui s'arrête de filmer. Espérons que ce dernier plan ne soit pas prémonitoire.

 

2e

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Mr Turner

On ne peut pas dire que je sois un grand fan du Mike Leigh british, à la mode Another year.

Aussi ai-je été plutôt agréablement surpris par ce biopic, qui est plus qu'un biopic.

Pourtant le film commence assez faiblement : l'acte de peindre est survolé, les personnages sont ennuyeux, la photo carrément kitsch. Timothy Spall (prix d'interprétation masculine à Cannes) surjoue dans un mode porcin, avec force grommellements et ahanements.

Tout cela ne présage rien de bon, jusqu'à ce que la folie dévorante pour la peinture n'envahisse progressivement l'écran, écrasant famille, amour, santé. Turner, homme du passé par son éducation et sa constitution, devient un homme d'avenir par son art. Il invente (presque) l'abstraction, observe avec gourmandise un nouveau monde naître avec ses daguerréotypes, ses trains et ses machines à vapeur.

La grandeur du film se situe exactement dans cette contradiction : alors que tous meurent autour de lui (père, fille, soeur, M Booth, enfant de Haydon, Noirs sur le bateau, noyée...) la modernité surgit partout, et seul Turner semble la distinguer. Le peintre est un visionnaire qui perçoit seul ce que les autres ne sont pas encore capable de voir. 

 

3e

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National gallery

Je suis un grand amateur du cinéma de Frederick Wiseman, le plus grand documentariste vivant, avec Raymond Depardon. Aussi ai-je foncé bille en tête découvrir son National Gallery à la dernière Quinzaine des Réalisateurs.

Passer près de trois heures dans un musée peut sembler a priori inquiétant, et soporifique. L'expérience s'avère pourtant aussi déroutante et passionnante qu'effectuer une excursion dans la forêt vierge.

Bien sûr on parle ici un peu de peinture, et les conférenciers sont vraiment fantastiques, à l'image de la première intervenante, qui dramatise toutes ses interventions. Mais des restaurateurs nous y font aussi découvrir des strates de peinture inconnues, qui sont autant de digressions magiques (les rayons X chez Rembrandt !).

Plus curieusement, nous faisons la connaissance du Directeur, capable de tacler un collaborateur en une phrase, ou de partir en vrille à propos du Duc d'Orléans (premier aristocrate à cuisiner lui-même, c'est un des nombreux enseignements du film).

Wiseman, fidèle à son habitude, se plante là et filme tout ce qu'il voit. On aura donc droit à des ébénistes, des journalistes, des danseurs, des débats houleux sur la stratégie commerciale à adopter, des doreurs à la feuille, des commissaires, des panneaux publicitaires "Picasso", des visages de visiteurs, de l'arrivée du Marathon de Londres, etc...

On réfléchit sur le fait que "penser que piquer l'image d'un chaton peut faire souffrir un chaton" est l'essence de la peinture. Vous me suivez ? National Gallery est un film qui fait du bien, un film qui vous rend (encore) plus intelligent. 

Frederick Wiseman sur Christoblog : Boxing Gym  (***) 

 

3e

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Pride

Les années 80. La grande grève des mineurs au Royaume-Uni. Thatcher intraitable. Un groupe de gays et lesbiennes soutient les mineurs d'une petite ville au Pays de Galles en collectant des fonds à Londres.

En choisissant ce sujet, le réalisateur Matthew Warchus joue sur du velours. On perçoit immédiatement les immenses potentialités de ce type de scénario : confrontation des excentriques londoniens et des Gallois bourrus (mais qui ont si bon coeur au fond....), éloge de la solidarité entre opprimés, tensions / rapprochement, destinées individuelles dans un contexte historique formant une intéressante toile de fond, etc.

Pride exploite à fond tous ces filons, et il le fait avec une efficacité incroyable, ne ménageant aucune occasion de faire gonfler les yeux des spectateurs lors de scènes mémorables, je pense notamment à la scène de danse queer, ou au somptueux chant choral dans la grande salle commune. 

Warchus tisse habilement son intrigue, partant sur des bases solides, puis s'intéressant successivement à tous ses personnages, avant de prendre un virage nettement plus noir et mélancolique dans sa dernière partie, alors que les ailes noires du SIDA commencent à se déployer sur la communauté gay. Si les traits sont parfois un peu forcés, on a envie de pardonner au film ses quelques défauts, tellement il inspire la sympathie.

Parangon du feel-movie aux effets millimétrés (c'était LE film à voir sur la Croisette ce printemps - avec l'excellent Whiplash - pour se remonter le moral), servi par une brochette d'acteurs impeccables et des décors de toute beauté, Pride est la garantie absolue de passer un bon moment. 

 

3e  

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