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Christoblog

Articles avec #paul dano

The Fabelmans

Certaines des dernières productions de Steven Spielberg (Le bon gros géant, West side story, Cheval de guerre) me donnaient l’impression que sa carrière amorçait une pente descendante, de celles qui mènent progressivement à l’académisme formaté, aux bons sentiments naphtalisés.

Je n’attendais donc pas grand-chose de The Fabelmans, dont le sujet ouvertement autobiographique laissait plutôt augurer d’un regain de sentimentalisme engoncé à haut potentiel lacrymal.

Je me trompais.

Ce nouvel opus est un bijou qui déjoue tous mes pronostics. Si la forme a bien cette patine un peu proprette et légèrement artificielle qui prévaut chez Spielberg depuis une dizaine d'année, le fond explore des domaines d’une grande complexité.

The Fabelmans est avant tout pour moi un magnifique portrait de femme. Michelle Williams trouve probablement ici son meilleur rôle : drôle, séduisante, fragile, forte. Elle campe à merveille cette femme qui se souhaiterait libre, mais est née à la mauvaise époque. Tour à tout explosive et dépressive, elle introduit dans le film une part d’instabilité chronique qui en fait une grande œuvre et lui donne ce rythme un peu lâche, peu habituel chez Spielberg.

Le second grand sujet du film est évidemment la réflexion sur le pouvoir du cinéma, génialement traité à travers de multiples étapes tirés de la vie du cinéaste. Deux sont particulièrement émouvants : les plans accidentels qui révèle l’infidélité de la mère (on pense évidemment à Blow up) et surtout la leçon de cinéma que constitue le reportage effectué à la plage. Durant cette dernière séquence, j’ai été littéralement bluffé par la démonstration que fait Spielberg de l’art du réalisateur : on aura rarement aussi bien montré comment le cadrage, le choix de ce qu’on filme, l’emplacement de la caméra et le montage donnent du sens à l’œuvre finale. Du très grand art.

Je pourrais encore évoquer mille aspects du film, de la direction artistique irréprochable à l’apparition extraordinaire de David Lynch dans un rôle improbable, mais cela m’obligerait probablement à trop dévoiler du film.

The Fabelmans se pose d’ors et déjà comme un des meilleurs films de l’année et je vous conseille, une fois n’est pas coutume, de consulter les 25 pages que lui consacrent les Cahiers du Cinéma ce mois-ci. A découvrir absolument.

Steven Spielberg sur Christoblog : Cheval de guerre - 2011 (*) / Lincoln - 2012 (**) / Le pont des espions - 2015 (***) / Pentagon papers - 2017 (***) / West side story - 2021 (**)

 

4e

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Love & mercy

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le réalisateur de ce film, Bill Polhad, sort de nulle part : pas de bio dans Allociné, quelques lignes sur Wikipedia en anglais, et pas d'autres films au compteur.

La qualité de Love & mercy en est d'autant plus remarquable. Ce biopic subjectif de Brian Wilson, chanteur et âme des Beach boys, est en effet formidable.

Le découpage du film est d'abord très original : il alterne du début à la fin deux périodes temporelles, dans lesquelles Brian Wilson est joué par deux acteurs différents, tous deux excellents, Paul Dano (pour Wilson jeune) et John Cusack (pour Wilson plus âgé).

D'abord troublant, ce procédé, que je ne me souviens pas avoir vu dans un autre film, se révèle être captivant. Dano incarne un génie en pleine action, en partie incompris, dont la puissance créatrice semble sans limite. Cusak, dans un registre très différent, joue à la perfection la dépendance aux médicaments et donne à voir un phénomène d'emprise glaçant. Les deux parties, pourtant dissemblables, semblent entretenir un dialogue durant tout le film. 

Les personnages secondaires sont eux aussi formidables : Elizabeth Banks rayonne en femme solide et pugnace, Paul Giamatti fascine en psychologue malfaisant. La direction artistique est brillante et la mise en scène très solide.

Un biopic haut de gamme, passionnant et émouvant.

 

3e

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Wildlife - une saison ardente

Le premier film en tant que réalisateur de l'acteur Paul Dano est une réussite formelle.

Wildlife propose une reconstitution convaincante des années 60 dans un coin perdu du Midwest. La photographie est somptueuse, à tel point que certains plans rappellent irrésistiblement des tableaux d'Edouard Hopper.

La composition du jeune Ed Oxenbould, impuissant spectateur de la déliquescence du couple parental, est très solide. Jake Gyllenhaal ne fait pas grand-chose et le fait bien, Carey Mulligan en fait plus, avec beaucoup de mobilité dans le visage, comme à son habitude.

Malgré quelques tics de mise en scène, le résultat est plutôt intéressant à regarder, dans un mode vaguement féministe et agréablement allusif. L'intrigue n'est guère développée, mais ce n'est pas très grave, Wildlife est avant tout un film d'ambiance. 

 

2e

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Okja

Okja ne sortira pas en salle, et c'est bien triste. Pour ceux qui, comme moi, pensent que le média cinéma ne peut se concevoir sans l'expérience du collectif, du grand écran et de l'extérieur, la nouveauté n'est pas plaisante.

On peut penser que les réalisateurs qui se dirigeront vers Netflix comprendront progressivement que leur propre intérêt n'est pas de travailler à la mort de leur activité : Bong Joon-ho affirme que Netflix lui a laissé toute liberté pour réaliser son film, mais quel intérêt si le grand public n'a pas accès à Okja ?   

Heureusement, je suis persuadé que le modèle Netflix n'est pas destiné à triompher : son audience se rendra finalement compte qu'elle est prisonnière, l'effet de mode passera et les auteurs ne se priveront pas aussi facilement de la reconnaissance associée à une sortie en salle (ainsi que d'une sélection au Festival de Cannes, par exemple, pour les plus talentueux d'entre eux). 

Mais revenons au film. Le dernier opus de Bong Joon-ho est à la limite du film pour enfant. Le début de Okja, dans la forêt coréenne, est très réussie : images époustouflantes, travail hyper réaliste et réussite totale de la première scène d'action le long de la falaise. Le second degré à la sauce coréenne (avec une bonne dose d'auto-dérision) est manié à la perfection par le réalisateur, même si ce n'est pas toujours très fin. La façon dont la mode des selfies est croquée est délicieuse.

L'attaque par les terroristes écolos très politiquement corrects est à mourir de rire. Elle marque, avec la course poursuite remarquable dans le supermarché, l'apogée du film, qui dans sa deuxième partie perd petit à petit en consistance.

Comme si souvent pour les cinéastes du monde, le talent du coréen semble se diluer dans le mauvais goût et les conventions une fois qu'il s'exerce aux USA. Même si Tilda Swinton et le reste du casting fait de son mieux (à l'exception notable de Jake Gyllenhaal qui signe ici sa pire prestation), le film ronronne tout à coup. Les scènes coréennes donnaient l'impression d'être ouvertes sur la ville, celles de New York semblent enfermées dans une sorte de cour miniature sclérosante.

Je résume. Deux films dans Okja : le premier coréen, très bon, le second américain, médiocre.

 

2e

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Youth

Il faut aujourd'hui un certain aplomb pour défendre Sorrentino.

Il faut en tout cas résister à l'influence du triumvirat de la bien-pensance cinéphilique tendance soporifique thaïlandaise : Libération, Les Inrocks, Les Cahiers. Pour ces gens-là, Sorrentino est définitivement classé avec une véhémence haineuse comme un réalisateur pompier (lire ma Lettre ouverte aux Cahiers), alors que Gomes et Weerasethakul, pour ne citer qu'eux, sont géniaux avant même d'avoir levé leur caméra.

Pour le spectateur vierge de tout a priori que je suis, la vision d'un film de Sorrentino génère deux émotions opposées : le plaisir que procurent les trouvailles baroques d'un réalisateur surdoué, et l'ennui qui découle de voir ces trouvailles juxtaposées sans constituer un ensemble cohérent et profond.

Dans La Grande Belleza, le plaisir était largement supérieur à l'ennui, parce que le sujet se prêtait admirablement à la démesure triste de la mise en scène.

Ici, et même si le film abordent les mêmes sujets que le précédent (la vieillesse, la sublimation par l'art, la déchéance physique), ce n'est pas tout à fait le cas.

Si la photo est toujours admirable, les images incroyablement bien composées, le plaisir est un peu gâché par une impression d'épate à tout prix (la scène d'ouverture, le clip de la pop star, le concert de la fin). La retenue de Michael Caine (excellent) et de Harvey Keitel fait pourtant mouche au début du film. Associée à le netteté suisse, cette sourdine inhabituelle donne une tonalité nouvelle au cinéma de Sorrentino : on navigue dans une sorte d'humour british, et les répliques spirituelles fusent.

Malheureusement, l'équilibre précaire du film se délite dans son dernier tiers (le pitoyable concert de fin, atrocement filmé, la lévitation du bonze, ridicule).

Je rêve d'un jour où Sorrentino débarassera son cinéma de toutes ses scories (Hitler ! Maradona ! Miss Monde qui pense ?!) pour exprimer pleinement ses incroyables qualités de plasticiens et d'amuseur.

Paolo Sorrentino sur Christoblog : This must be the place (***) / La grande belleza (***)

 

2e

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There will be blood

There will be blood n'est pas un mauvais film. Comme No country for old man ou comme La nuit nous appartient, il représente une certaine qualité américaine.

Le scénario est ambitieux, et se rapproche de celui de Casino par exemple : ascension puis décadence d'un homme seul (et sans pitié).

La mise en scène est classique, avec quelques tics tout de même, et sans génie. Les acteurs sont bons, et Daniel Day-Lewis est même très bon, mais très bon comme on est très bon quand on essaye d'avoir un oscar, c'est à dire prévisiblement très bon.

L'aspect historique n'est pas inintéressant. Il y a par moment un certain sens de la dramaturgie, comme au début par exemple.

A part ça, on s'ennuie ferme.

Les pistes que le film ouvre (le conflit entre pouvoir spirituel et temporel, le faux frère, le fils exclu) sont toutes avortées et aucune ne trouve son plein développement dramatique comme Scorsese a su si bien le faire dans Casino par exemple ou dans les Affranchis.

A ce titre le rôle du prédicateur est totalement saboté : il devrait être l'égal du héros principal, mais il n'en est que le faire-valoir. Les deux derniers plans du film sont à ce titre pitoyables. La musique enfin - pour moi qui suis très sensible à la bande son - est insupportable : sirènes d'avions, scies circulaires fonctionnant à l'infini, cordes désacordées, la musique amplifie les carences du film.

A éviter.

 

2e

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